Avec ces deux mains-ci
C’était quand elle dormait, je lui disais « je t’aime »
Du bout des lèvres à peine, dans un souffle, murmuré ;
Posai sur son front lisse enfin mes lèvres blanches
Et ma tremblante main sur le drap sur sa hanche.
Je respirais enfin l’odeur de ses cheveux.
J’écoutais souriant son souffle régulier.
C’était aux heures noires où je me réveillais
Que je pouvais enfin lui sourire d’un air tendre
Et balbutier les mots qu’elle ne devait entendre.
Ces mots même, au grand jour, je les lui refusais.
Je fuyais ses caresses, ses baisers, sa tendresse
Et même si bien souvent quelque part en moi-même
Aurait voulu crier combien lors je l’aimais
Rien ne passait mes lèvres au rictus condamnées.
Je la voulais sereine, distante, apaisée.
Je la faisais souffrir et je l’écartelais :
Je la voulais lointaine, je la voulais si proche.
Il arrivait parfois qu’à elle je m’accroche
La serrant contre moi, fort, aux amoureux ébats
Comme celui qui se noie s’accroche au bois qui flotte
J’aurais voulu alors qu’elle ne se retire pas,
J’aurais voulu pouvoir pleurer mon désarroi,
Sur son épaule blanche où je plongeais mes doigts
Et je ne disais rien.
J’ai brisé son amour avec ces deux mains-ci.
Avec ces deux mains-ci j’ai failli la briser.
J’ai façonné ma peine et pétri son absence,
Avec ces deux mains-ci je me suis condamné
À son plein désamour, son adieu, son partir.
Je suis seul maintenant, elle m’a abandonné,
Et je survis encore, moi qui devais mourir.
2005-05-20
Yvon Henel
Mons en Bar½ul