De la peinture
Geneviève, me dit-on, aime les natures mortes.
Les portraits l’indiffèrent, les paysages l’ennuient,
Les marines l’exaspèrent, même la Ronde de Nuit,
De Rembrandt — et bien oui ! — franchement l’insupporte.
Plus qu’un autre tableau, une toile la porte
Aux douloureux sommets d’un bonheur trop parfait.
Un peintre à peine connu, voici trois siècles, a fait
Ce chef d’œuvre absolu, l’absolue nature morte.
L’artiste a peint, au fond, entrebâillée, une porte.
Une lumière terrible en vient qui se reflète
Au flanc d’une carafe, d’un vin grenat replète,
Qu’un vaisselier de chêne, à carreaux bleus, supporte.
Devant, un buffet bas, couvert d’une cohorte
De gibiers, de poissons. Les dépouilles s’entassent
Des victimes récentes de la pêche, de la chasse.
Pattes, ailes, poils, plumes, écailles, coquilles de cent sortes :
Tourteau, perdrix, vairon, écrevisses, sandre, laie,
Patelles, goujeon, perdreau, sanglier, émouchet,
Homard, turbot, faisan, bigorneaux et brochets,
Pigeon, saumon, lapin, jeune lièvre, caille, raie.
2000-12-15
Le petit Lille-lettré
Lille, Montebello